Un arrêt chez les Castors =D (Lydia & Stephannie)

_Je... Tu... Enfin, je te dérange peut être ?

Fredonnant un air de rock endiablé passant sur mon mp3, je revenais sur les lieux de ma rencontre avec Karen comme si j'espérais voir à nouveau quelqu'un tomber dans l'eau. Un sourire traversa mon visage. Ce serait drôle n'empêche. Tout est bon à prendre pour oublier une gueule de bois.

Fatiguée d'avoir trop marché, je remarquai une table de pique-nique presque vide à l'exception d'une fille en train de lire. Je regardai à gauche et à droite et du bien me rendre à l'évidence. C'était la seule... Tant pis, je pourrais même m'asseoir par terre, s'il le fallait. Et puis elle avait vraiment l'air plongée dans sa lecture.

Je me posai sur le banc en face d'elle, sans prendre la peine de paraitre discrète. Assise en tailleur, j'observai sa lecture d'un air critique. "Hurlevent"... Pouah! A bas, les romans d'amour! Ce que c'était cucul. Et pourquoi pas Roméo et Juliette, pendant qu'on y était.

J'imaginais déjà cette fille regardant des Walt Disney et connaissant toutes les chansons par coeur. Pathétique, comme si c'était de la musique. Ma foi, il faut de tout pour faire un monde.

Elle leva alors la tête vers moi et sembla surprise de me voir. J'avais peut-être était plus discrète que je le croyais.

Elle remua la lèvre, mais sa phrase se perdit dans les méandres de la voix de Kurt Cobain. Désolée, les dieux, ça s'écoute à fond. Une partie de moi espérant qu'un jour ce soit de moi qu'on dise ça, j'ôtai un de mes écouteurs et baissai le son de mon mp3.

- Hein? Demandai-je en me penchant en avant pour lui faire comprendre que je n'avais pas entendu.

La fille rougissait. Encore une timide. Un souvenir traversa ma mémoire, celui de ma première rencontre avec Mélissa. C'était peut-être moi qui intimidait les gens de Montréal.

Je referme mon livre abimé par les années, et tente un sourire à la jeune fille, qui de toute évidence ne m'avait pas écouté. Je ne me rendais pas compte, que j'étais si transparente aux yeux du monde, encore une preuve que je devrais sortir de temps en temps et faire la fête... Non, je ne peux pas faire ça, de toute façon même si je le voudrais, je crois que je ne saurais pas comment m'amuser. Pauvre de moi. Je ferais presque pitié, tout du moins pour une fille comme elle, à voir son allure et ses cheveux bien peignaient, je dois être ridicule, avec un crayon comme seul attache de mes mèches brunes jamais coiffée.

J'incline la tête, et souris vraiment à présent. Je comprends pourquoi elle ne m'avait pas entendue, ses écouteurs, elle écoutait la musique, ce que je faisais toujours lorsque j'étais chez moi, ou bien pas dans mes bouquins.

_Je disais juste que si je te gênais je pouvais partir.

Et c'était vraie, après tout, je ne sais toujours pas si j'avais envahit son espace. Peut être que c'était moi qui l'avait vue transparente. Non, ce n'est pas possible, une fille comme elle avec autant de prestance dans un simple "Hein" ne pouvait pas être transparente. C'était moi qui l'était avec mes joues qui rougissaient. Je suis sure qu'elle ne rougie jamais, elle. Chanceuse.

J'essaie de rattacher une mèche a mon chignon pratiquement défait, je déteste avoir les cheveux dans les yeux. Et j'essaie de patineter le temps qu'elle me dise de déguerpir ou bien qu'elle me demande mon prénom. Finalement, je ne sais pas ce que je préfèrerais. Me faire une amie, ou bien qu'elle m'oublie, ou se souvienne de moi comme la fille sans look définit... Hum, j'avoue que le choix est dur. La nouvelle rencontre me feront toujours peur. Et ici, a part mon frère, je ne connais personne. Génial. Leçon de vie numéro une : Comment se faire des amies.

Un écouteur toujours planté dans mon oreille, j'attendais simplement qu'elle répète. Si je n'avais si mal à la tête, j'aurais même trouvé quelque chose à lui dire pour qu'elle arrête de rougir. Enfin je crois, que j'aurais fait ça, parce qu'au fond, je crois que ça me fera toujours de voir les gens réagir comme ça.

Sans gêne, je ne rougissais jamais, ou si peut-être avais-je rougie une deux fois. Peut-être avais-je rougi en rencontrant Steven. Il fallait dire que j'avais été aussi nunuche que les autres filles, pour le coup, avec mon plateau volant.

_Je disais juste que si je te gênais je pouvais partir.

J'éclatai de rire à sa remarque, ce qui ne fit qu'accentuait mon mal de crâne. Si les gens pouvait arrêter d'être comique quand j'avais la gueule de bois, je leur serais très reconnaissante.

- Je sens mauvais? Demandai-je en haussant les sourcils.

Certes, j'aurais pu tout simplement lui dire qu'elle n'avait pas à partir d'un endroit où elle était déjà avant mon arrivée. J'aurais pu aussi lui dire que bon sang, elle n'était pas obligée de s'écraser devant les autres comme ça.

J'aurais pu, mais non, c'était plus fort que moi, accentuer les rougissements des pauvres petites filles perdues m'amusait.

Je savais ce que j'aurais fait si c'était elle qui s'était mise devant moi sans mon consentement : je l'aurais incendiée pour avoir envahi mon espace vital, juste pour le plaisir d'avoir de l'ascendant sur elle.

Sans-gêne et fière de l'être.

- Je sens mauvais?

_Non, ton odeur est très bien.

_J'étais là avant toi, n'est ce pas ?

Je n'attendais aucune réponse, ma question étant purement rhétorique. j'attendais juste une réaction, un rougissement, une révolte ou un regard exaspéré. N'importe quoi de normal.

Et pourtant, je n'eus rien de tout cela. Juste un regard intrigué et un contact. En effet, a demoiselle me prit la main et se mit à la sentir. Surprise, je me laissais faire sans éclater de rire, bien que j'eus trouvé ça ridicule et désopilant à souhait.

Elle avait du cran, finalement, je l'adorais déjà pour ça.

_Non, ton odeur est très bien. Répondit-elle d'un air sincère.

_J'étais là avant toi, n'est ce pas ?

- Oui. Répondis-je d'un air solennel.

Quand même, il fallait le faire pour ne pas se rendre compte que le banc en face de soi est libre lorsque l'on s'assoit quelque part.

- A moins que j'ai développé un don d'invisibilité pendant la nuit. Si c'est le cas, qu'en penses-tu : est ce que je m'en sers pour faire le mal, ou pour sauver les innocents? Demandai-je en fronçant les sourcils d'un air méditatif Avant d'ajouter avec une grimace appréciative: La première me botte bien, perso.

Je souris encore de ma connerie précédente. Je ne comprends réellement pas ce qu'il m'a prit. Je venais de lui sentir le bras. Moi Stephannie, celle qui est invisible, venait de sentir le bras de quelqu'un. Invisible et folle. Bizarrement les deux ne vont pas vraiment ensemble. Pas grave, je suis habituée à être deux choses qui n'ont strictement rien à faire ensemble.

Elle rit, s'attrape le visage d'un coup, et moi je fronce les sourcils, ne comprenant pas ce qui lui arrive. Était elle en train de mourir, par ce que je venais de la sentir ?
Elle finit par pincer ses lèvres, et encore une fois je me surprends à penser qu'elle était plus jolie que moi, alors que je venais, quelques minutes auparavant, de faire le même mouvement qu'elle.

- Oui. me répondit elle d'un air désolée.

Oh tout s'explique alors. Son rire. Ses regards. Et surtout ma bêtise. Encore et toujours. C'était être grave, non ? De s'assoir sur une table, s'accouder dessus, machinalement, et ne pas remarquer, que sur cette même table, il n'y avait finalement que moi d'assise. Et non elle. Et qu'elle était arrivée après moi.

- A moins que j'ai développé un don d'invisibilité pendant la nuit.

Peut être bien après tout. Moi le mien je l'ai depuis toujours. Alors peut être qu'elle a obtenu le sien cette nuit. Même si je doute qu'une fille comme elle peut être invisible aux yeux du monde. Oui, j'en doute vraiment.

Si c'est le cas, qu'en penses-tu : est ce que je m'en sers pour faire le mal, ou pour sauver les innocents?

La question m'est elle vraiment posé ? Où alors est elle seulement rhétorique ? Dans un réflex je sais que j'aurais du répondre la seconde option, mais je n'ai pas le temps.

La première me botte bien, perso.

Oh.

Je laisse échappé ma surprise, sans même y avoir pensé. Faire le mal. Après tout, ça doit être bien, sur certain point. Et à un niveau raisonnable. Bon d'accord, je me rends à l'évidence, je suis faite pour faire le bien.

Je me gratte la tête, et la regarde encore et toujours. Je crois que je la vois de mieux en mieux. Des cernes, ses cheveux ne sont pas si coiffé que ce que je pensais. En fait, elle est belle certes. Mais je sais que je ne dois pas l'idéaliser. Comme je le fais avec tout le monde entier.

Je m'appelle Stéphannie, mais tout le monde m'appelle Séphie.

Oui, j'en reviens au commencement de la leçon dont je parlais tout à l'heure. Comment se faire des amies ? Partie une : Se présenter.

Sa réaction fut instantanée. Un "Oh!" surpris qui me fit sourire. Et oui! Qui l'eut cru, Lydia Tilman était méchante. Elle s'autodétruisait, faisait honte à sa famille, fumait, couchait avec n'importe qui, ne laissait pas sa place aux vieilles dames dans le bus, terrorisait les hôtesses de l'air, piquait le goûter de ses camarades en primaire...

Non pas de doute, si un de mes proches devait me décrire, je savais qu'ils diraient ça de moi. Même si ces derniers temps, je savais que je m'améliorais. C'était grâce à Mia, ça. On ne rencontre pas une fille avec un aussi bon fond sans que ça laisse des séquelles. Et puis, il y avait eu Karen, Mélissa, Amanda, Derek... Steven aussi, d'ailleurs.

Mais bon, les habitudes ont la vie dure, et aider les autres étaient loin d'être spontanée chez moi. La plupart du temps, je trouvais ça ennuyeux, même. La seule pour laquelle j'étais prête à mourir si elle en avait besoin était ma Lindsay. J'avais toujours partagé avec elle les goûters que je volais, d'ailleurs.

La jeune fille en face de moi se gratta la tête. Ses mouvements étaient choux, elle me faisait penser à une petite enfant modèle. Les miens étaient vulgaires, j'étais de la mauvaise graine.

Je m'appelle Stéphannie, mais tout le monde m'appelle Séphie.

- Moi, c'est Lydia. Et tu peux m'appeler comme tu veux, sauf Lily. Répondis-je avec un clin d'oeil.

Je n'aimais pas Lily, parce que je n'aimais pas mes parents. Ma mère utilisait ce surnom lorsqu'elle jouait aux hypocrites et qu'elle voulait quelque chose de moi. Mais que peut obtenir la mère d'une fille comme moi, hein? Rien, je l'ai dit, je suis de la mauvaise graine.

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