Sa colocataire... [Rébéca&Stéphannie]

Une fois que j’eus fini ma réponse à Stéphannie, je la regardais simplement. Je la vis alors pincer les lèvres, une expression de… culpabilité ? Oui, c’était bien ça de la culpabilité, sur le visage. J’avais des remords et tournais alors la tête. En laissant ma sincérité parler, j’avais peut être parler trop ? En effet, mes paroles avaient de loin dépassé ce que je désirais dire à la base. Je voulais juste qu’elle se sente à l’aise, lui faire comprendre qu’elle ne courait aucun risque avec moi comme colocataire de Loïc, la rassurer tout simplement mais j’en étais venue à parler de ça… Pff, ça m’apprendra à ne pas savoir tenir ma langue ! Certes ce que j’avais dit était tout ce qu’il y a de plus vrai, je n’avais jamais été appréciée des autres filles à quelques exceptions près. Non, moi j’avais le droit à la jalousie et tout ce qui s’en suit, tout ça parce qu’elles se méfiaient à cause du fait qu’elles me trouvaient très belle, ça accompagné à mon compte en banque plus que bien fourni. La popularité, voilà comment on pouvait résumer en un mot ce qui les dérangeait chez moi. Paradoxal n’est-ce pas ? Si j’avais toujours été populaire, cela devrait aller de soit que j’étais appréciée et avais beaucoup d’amis. Sauf que la réalité était toujours loin de ce que les gens pensaient, la popularité rimait avec jalousie, hypocrisie, fausseté et j’en passe. En fait si j’avais été quelconque, sans rien de particulier, voilà ce qu’il leur aurait fallu, enfin là aussi tout ces gens auraient trouvé à redire, en fait ils ne m’auraient tout bonnement pas approcher dans ce cas là. En y pensant bien, ça aurait été parfait ! J’aurais eu la paix, une vie normale quoi.

Je me perdais dans mes réflexions quand je sentis se poser sur mon épaule une main, une main amicale, compatissante. Tournant la tête vers sa propriétaire, je constatais le faible sourire qu’elle tentait de m’envoyer et auquel j’essayais de répondre de la même manière et avec la même fragile réussite. J’avais vraiment trop parlé, je détestais me poser en victime. Il était vrai que par ces points là et d’autres encore on ne pouvait pas réellement dire que ma vie avait été des plus belles, mais je n’avais pas tant que ça à me plaindre, ça aurait pu être bien pire. C’était bien pire pour d’autres. Après tout, je n’avais pas eu que ce genre de choses ou évènements. Et puis de toute manière les gens avaient toujours du mal à croire que vous pouviez avoir une vie déplaisante à partir du moment où vous ne manquiez pas d’argent. Sauf que ce qu’on oubliait souvent, c’était que l’expression était plus que vraie : l’argent ne fait pas le bonheur. Il ne lui suffit pas du moins, car il peut largement y contribuer, enfin bref je m’égarais. « Elle est si dure que ça, l’histoire de ta vie ? » Entendis-je me demander Stéphannie gentiment. J’eus alors un sourire désillusionné. « Oh tu sais, il y a bien pire comme histoire mais oui on peut dire qu’elle n’a pas été des plus belles. » Je marquai une petite pause, réfléchissant aux meilleurs mots à employer pour m’exprimer. « J’ai eu ce qui en vitrine semble suffire à beaucoup : richesse et popularité, mais quand on gratte la façade… L’absence, l’indifférence des parents ; La jalousie, l’hostilité des autres filles ; Et… je te passe le comportement des garçons. À côté de ça, j’avais heureusement ma mamie, mon garde fou, jusqu’à ce qu’elle… meurt. » Encore maintenant j’avais un mal fou à prononcer ce mot quand il s’apparentait à elle, un peu comme si malgré les années je ne réalisais toujours pas totalement la chose… « Après ça je suis partie, j’ai fuit, en Europe pendant deux ans. Deux ans pendant lesquels j’ai fait abstraction de ma vie d’ici, de tout ce qui concernait Montréal. Puis me voilà, j’ai fini par rentrer, nostalgie oblige. Je n’ai toujours pas revu mes parents, mon nom - malgré ce que je pensais - n’a pas été oublié et donc les attitudes n’ont pas vraiment évolué. » Venais-je réellement de dire tout cela ? De me confier ainsi à quelqu’un ? Moi qui n'aimait pas des tonnes parler de moi et encore moins raconter cette partie de ma vie… En fait Stéphannie faisait désormais partie des rares personnes au courant de tout cela !

Je me ressaisis tout de même et souris à mon invitée, je n’étais pas là pour m’apitoyer sur mon sort, ce n’était absolument pas dans mes habitudes, et comme je l’avais déjà dit : je n’aimais pas me poser en victime ! « Enfin bref, tout n’était pas rose mais tout n’était pas noir non plus. De toute manière maintenant je fais en sorte de laisser tout ça derrière moi. Ces gens là ne me touchent pas. » En y pensant, ces gens là étaient tout le contraire de Stéphannie, parfaitement ce qu’il fallait à Loïc. Lui connaissait ce milieu aussi bien que moi à cause de son frère, et heureusement il avait bien vite comprit que ce n’était rien d’autre que de la poudre aux yeux et qu’il lui fallait plus, mieux que ça. Il avait sans doute trouvé. Elle était ce genre de fille dont vous saviez - sans même la connaître - que vous pouviez lui donner le bon dieu sans confession. Mais elle avait également cette expression profondément ancrée dans les yeux. Celle que j’étais devenue experte à détecter chez les autres, celle qui était présente chez moi. Cette fêlure dans le regard, celle-là même qui ne trompait pas et démontrait cette brisure à l’âme que vous aviez. Cette déchirure qui vous ternirait à jamais un peu quoique vous fassiez. Et soudainement je me demandais ce qui l’avait provoqué chez elle. « Et toi, quelle est ton histoire ? » La façon dont j’avais posé ma question ne laissait aucun doute sur ce que celle-ci sous-entendait, et mon vis-à-vis comprendrait, j’en étais certaine. Qu’est-ce qui avait bien pu assombrir son regard ?